Savonnerie Artisanale et Développement Durable : Comment les Techniques Traditionnelles Contribuent à l'Économie Locale au Sénégal ?

Savonnerie Artisanale et Développement Durable : Comment les Techniques Traditionnelles Contribuent à l'Économie Locale au Sénégal ?

La production de savons artisanaux est une activité vieille de plusieurs millénaires. Un mélange de procédés à partir de cendre, de graisses animales (suif ou saindoux) et d'huiles.

Au Sénégal, depuis quelques temps, la production de savons artisanaux est devenue une activité très prisée, d'une part par les GIE (Groupement d'Intérêt Économique) de femmes, d'autre part par des particuliers qui créent de petites savonneries artisanales çà et là.

La mise en place d'une savonnerie artisanale ne nécessite forcément pas de gros investissements en immobilisation. Les différents produits d'hygiène et d'entretien qui en découlent (savon de ménage, savon de toilette, savon liquide, etc.) sont, au quotidien, utilisés. Dans le cadre de l'autonomisation des femmes ou des jeunes et pour la création d'activités génératrices de revenus, l'État du Sénégal, (de par la forte demande en formation suivant les besoins premiers des groupements et associations), finance énormément des sessions de production de savon dur, en poudre ou liquide et de javel.

Le matériel de production est généralement basique : bassines, seaux, spatules, masques, gants, lunettes, blouses et chaussures de protections ; moules en bois ou en silicone, tables de découpe, thermomètre, couteaux, balance etc. La Quincaillerie et le menuisier deviennent d'office les premiers fournisseurs.

Vient ensuite la matière première :

-        La Potasse Caustique : très peu utilisée, elle permet de faire du savon en forme de pâte ou du savon liquide.

-      La Soude : pour faire un savon dur, il faut de la soude caustique qui disparaît bien évidemment après obtention de la trace pendant la préparation et la cure. Elle peut être perlée ou écaillée. Les importations ont été pendant longtemps d'origine chinoise, française ou belge. En 2020 - 2022, nous avons assisté à une pénurie (forte demande en savons - Covid19). Cependant, depuis un an, nous assistons à une inondation du marché par la provenance indienne. 

-        Les Poudres, Argiles et Pigments Naturels : ils sont en général obtenus par la transformation des feuilles ou des minéraux naturels.

-        Les Huiles : la majorité des huiles est saponifiable. La base la moins chère reste l'huile de palme. En rouge, blanchie ou en palmiste. L'un des premiers fournisseurs mondiaux, la Malaisie fournit en quantité comestible le Sénégal. Pour les unités de fabrication de savons artisanaux, le marché ouest africain demeure en outre privilégié. La Côte d'Ivoire, Le Ghana, Le Nigeria, La Guinée Bissau. L'huile de palmiste ou le « Maniko » en provenance de la Guinée Conakry reste la plus accessible au vu de la proximité des frontières. La Sierra Leone, proche de cette dernière, est aussi fournisseur du marché sénégalais. Sa vulnérabilité face à certaines épidémies fait que ces approvisionnements sont parfois perturbés.

Les voies de transport privilégiées sont la route pour ces pays précités. La marchandise est souvent conditionnée dans des bidons de 20 litres ou des fûts de 60 litres (reconditionnés par la suite). Le choix est alors présenté au client entre l'huile de palmiste noire ou l'huile de palmiste blanche. Un commerce intéressant pour la douane, les services des eaux et forêts, les grossistes et détaillants.

Au Sénégal, le palmier à huile est plus présent en Casamance. La presse se fait de façon artisanale et l’activité à moindre échelle. Ce qui rend le prix deux fois plus cher que chez nos voisins. Il serait opportun de mettre en place des unités de concassage et de presse mécaniques, industrielles. Le savoir-faire en matière de transformation est déjà établi. Il faut nécessairement faire travailler toute la chaîne depuis l'agriculteur. De la semence à la plante ou à l'arbre, du fruit à la noix, tout contribue à la fabrication de savons. Le palmier à huile engrange des revenus sans équivoque :

·       L'huile de palme rouge et blanchie pour la pulpe ;

·       L'huile de palmiste pour les noix ;

·       Le Charbon de bois issue de coques de palmiste, une excellente source de combustible alternatif grâce à sa haute valeur calorifique ;

·       Le tourteau obtenu de la presse des noix de palme, pour l'alimentation des bétails.

Il devrait en être de même pour plusieurs fruits consommés dont les amandes ou noix sont inexploitées comme la mangue. La collecte d'amande et la production de beurre de mangue est quasi inexistante au Sénégal. Pourtant, dans le cadre de la mise en place d'unités de fabrication de jus ou de mangues séchées, les amandes sont considérées comme déchets et pourrissent en nombre considérable. Le beurre de mangue dispose de propriétés cosmétologiques insoupçonnées : hydratant, régénérant, réparateur, nourrissant, assouplissant, anti-âge, protecteur solaire et non comédogène.

Le Sénégal dispose énormément d'opportunités sur le plan cosmétique et de l'hygiène en général. La matière première est disponible, leur identification serait un atout sur le plan national comme régional pour établir et renforcer le commerce équitable. Chaque région devrait, à partir de ses ressources, pouvoir fournir, dans le cadre d'échanges et de la création de richesses locales, des huiles en abondance comme le bissap, le souchet (ndir), le dattier du désert (soump), le coco, le bouye (fruit du Baobab), le neem, le touloucouna, la papaye, le sésame, la pastèque, l'orange, le citron, le karité.

Il ne s'agît pas seulement de manger des fruits et des légumes. Mais aussi de repenser le recyclage, la récupération par la création de laboratoires qui fourniront des rapports d'analyses, des certifications sur les intrants de qualité : feuilles (poudres), parfums (huiles essentielles), huiles, des tourteaux, etc. Diversifier les dérivés et créer des actifs à partir de nos produits naturels. Insister sur la création d’usines et d’unités d’emballage éco-responsable. Une myriade de possibilités qui permettront aux acteurs de la savonnerie et de la cosmétique en général d’être compétitifs sur le plan international et ainsi faire tomber le complexe des produits faits "ailleurs" pour améliorer la santé des populations.

Article rédigé par Mme Elisabeth Yacine Pouye

Maître Artisan Savonnier